L’Inspiration
Il est parfois si frustrant de sentir les idées défiler rapidement sans parvenir à les exprimer. D’étranges moments terriblement plaisants où la passion et la motivation s’entrechoquent pour finalement se faire rattraper par un sentiment d’échec préalable : le résultat sera décevant.
Alors j’essaie de m’inspirer. Je repense à ces choses que j’ai vu, entendu ou senti et j’essaie de les reproduire. Si cette personne que je respecte et qui m’impressionne apparaît si rayonnante, je parviendrai peut-être au même résultat en l’imitant. Cela rend généralement l’échec plus grand encore, je parviens tout juste à singer un petit détail. Un bel échec, un de plus.
Pour renforcer le cheminement de l’inspiration, je dois accepter de passer par cette étape de création bancale, du moins je me dois d’essayer. Je dois me décevoir, encore et encore. L’inspiration, la passion, la motivation, ce sont des choses incontrôlables que j’ai déjà rencontrées. La plupart du temps, elles sont comme des satellites : elles tournoient et se croisent rarement. La seule chose que je puisse développer et qui semble manquer à tout ça, c’est l’expérience. Apprenti chef d’orchestre, il faudra faire preuve de patience, d’écoute ou d’acharnement pour parvenir à œuvrer pour la création.
Je réalise aussi à quel point ces phénomènes sont proches de mes émotions. Quand je sens les choses déborder, je m’accroche désespérément à la source de cette tristesse, de cette joie, de cette épiphanie. J’ai envie de parler, de partager, d’hurler. J’aimerai réussir à l’entretenir, je la vois s’effacer au rythme de mes pensées, quelle frustration, rattrapée par cette raison qui m’est si caractéristique. J’arrive parfois à invoquer à nouveau cette sensation, je repense à la douleur. Car oui inutile de mentir, si je tente de nuancer mes pensées en parlant de joie, j’ai pleinement conscience du poids de la négativité dans mes réflexions. Je dois reconnaître que je trouve ça souvent beau.
Où se situe la créativité ? Est-ce qu’elle se situe dans ces frissons que me procurent certaines musiques ? Est-ce qu’elle se trouve dans cette sensation étrange que je ressens parfois quand je ressasse mes peines ? Est-ce qu’au contraire, je devrai la chercher dans mes souvenirs joyeux ? Je me pose toutes ces questions, comme s’il existait une vérité dans l’être humain. Comme si une sensation avait plus de mérite qu’une autre. Comme si la tristesse c’était mal et que la joie c’était bien. Alors à quoi bon chercher cette inspiration, autant la mettre à l’œuvre.
Cette narration est peut-être pitoyable, elle est peut-être creuse ou simpliste. Le fait est que c’est la mienne, alors autant l’assumer. Ce qui n’est pas évident, c’est de savoir que j’exprime tout ça pour moi. C’est sûrement ce qui bride le plus mon inspiration, le contexte. J’arrive si facilement à faire ressortir mes émotions quand elles sont dirigées vers certaines personnes. Face à cette page blanche, je me trouve parfois perdu, une légère perte de sens. Ma motivation, stimulée par mes émotions, s’est évaporée et me voilà à buter dans mon extériorisation alors qu’elle s’écoule si facilement quand je devrai la contrôler.
Et puis finalement, comment ordonner tout ça ? Où se trouve la frontière entre naturel et réflexion ? Pour mettre en forme, je dois mener un travail d’analyse mais ce que je souhaite faire, c’est livrer des sensations aussi brutes que possibles. Alors je peux tout d’abord les poser telles qu’elles me viennent et les organiser après, c’est prendre le risque de les dénaturer, les assainir pour qu’elles collent mieux avec ma raison. Alors à quoi bon. Je mélange les mots, les principes et la logique mais je respire. Inspiration. Expiration.